Varda Kotler - Ben Haim
PAUL BEN-HAIM (1897-1984)
LE LIED ALLEMAND ET LE LIED HÉBRAÏQUE

Il Les Lieder allemands
Paul Ben-Haim, de son vrai nom PauI Frankenburger, naquit le 5 juillet 1897 à Munich. Son père, Heinrich, professeur honoraire de droit et avocat renommé faisait aussi fonction de Vice-président de la communauté juive. La mère de Paul, Anna, était une excellente pianiste amateur. Cette famille très unie était composée de trois garçons et de deux filles. Dès son plus jeune âge, Paul étudia le violon, mais bien vite le piano devint son instrument préféré. La mort de son frère aîné, alors qu'il servait sous les drapeaux pendant la première guerre mondiale, fut pour lui un terrible traumatisme. Paul étudia à la prestigieuse Académie de Musique de Munich dont il sortit avec le diplôme de pianiste, chef d'orchestre et compositeur.

Au lycée, Paul s'intéressa particulièrement à la littérature et à la poésie allemandes et latines. Il approfondit ses connaissances en poésie ancienne et contemporaine allemande, ainsi que dans le vaste répertoire du lied allemand. Il subit en particulier l'influence de Richard Strauss (1864-1949), compositeur munichois adulé de l'époque, ainsi que celle des chansons exquises de Debussy et de Ravel. Dés l'âge de15 ans, Paul commença à composer des lieder qui étaient aussitôt interprétés lors de réunions familiales par sa soeur Dora.

1 Deux Lieder d'Hofmannsthal (1915) En 1915
Paul Frankenburger avait composé plus de 40 Lieder, restés sous forme manuscrite. Il mit en musique les poèmes de Hugo Von Hofmannsthal (1874-1929), en deux cycles de7 Lieder qu'il fit imprimer. Vorfrühlillg (Avant-Printemps): description essoufflée d'une forte brise qui annonce la venue d'un printemps précoce. Le texte est d'un seul tenant, alors que la musique change d'une strophe à l'autre. La première strophe est reprise avant la coda. L'harmonie est riche par suite de l'accentuation de la tierce ainsi que par des changements chromatiques soudains, une ligne vocale passionnée et la construction entièrement contrapuntique de la partie jouée au piano. Dein Antliz (Ton visage) poursuit l'ancienne tradition du monologue romantique allemand de l'amant s'adressant au visage mystérieux de sa bien-aimée. On sent monter progressivement une tension extrême, dès l'ouverture introvertie, jusqu'au puissant éclat émotionnel de la fin. La voix et le piano évoluent dans un contrepoint imitatif en trois parties, d'un chromatisme appuyé.

2 Trois Lieder de Morgenstern (1920)
Christian Morgenstern (1871-1914) marqua de son empreinte particulière la poésie allemande par ses poèmes surréalistes et grotesques, tel son Chant du gibet. Cependant, Frankenburger préféra mettre en musique ses poèmes lyriques dans la plus pure tradition romantique. En septembre-octobre 1920, quelques mois après avoir terminé ses études à l'académie de Musique de Munich, Frankenburger réalisa l'adaptation musicale de trois monologues d'amour de Morgenstern. Hochsommernacht (nuit de plein été): scène d'amour typique ayant pour cadre la nature. La riche mélodie chromatique et l'harmonie sont équilibrées par une structure claire. On retrouve le motif de l'ouverture au début de chaque strophe. Une phrase mélodique pleine d'émotion se superpose à une base ostinato rythmique. Der morgen war von dir erfült (Le matin était empli de toi) et Es ist Nacht (C'est la nuit) sont des miniatures d'amour se mouvant avec fluidité, grâce à un chromatisme délicat entre piano et pianissimo.

3 Japanischer Frühling, (Printemps japonais):
Trois Lieder de Bethge (l922)

1: Die schöne Nuna-Kawa-Hime (La belle Nuna)
2.trübes Lied (Chant mélancolique)
3: Vertrauen (Confiance)


Les traductions et les paraphrases de la poésie chinoise et japonaise de Hans Bethge ont séduit de nombreux compositeurs allemands début du 20eme siècle, parmi lesquels Mahler et son Lied von der Erde (Chant de la terre, 1908), Richard Strauss et son Gesänge des Orients (Chants d'Orient, 1928), Arnold Schöenberg et Anton Webern. En 1921, Frankenburger termina sa composition la plus ambitieuse de l'époque, une adaptation musicale audacieuse de l'oeuvre de Rabindranath Tagore The Gardener (Le jardinier), pour alto, bariton et orchestre. Toujours séduit par l'exostisme, en septembre 1922, il mit en musique les poèmes de Bethge, Japaneses Spring (Printemps Japonais). Mis à part le titre et certains passages, on perçoit difficilement l'influence japonaise ou exotique dans le texte qui ressemble plutôt aux chants d'amour romantiques allemands. Alors que les Lieder évoqués plus haut sont composés pour des voix masculines ou féminines, le cycle Japaneses Spring (Printemps Japonais) est écrit spécialement pour soprano, piano et violoncelle et utilise abondamment les constrastes de textures: notes aiguës de soprano se superposant au registre le plus bas du violoncelle. La conception est celle d'une forme musicale plus large, le chromatisme étant plus modéré que dans les Lieder précédents, les trois voix élaborant de longues lignes contrapuntiques où abondent les ruptures mélodiques expressives; les chants sont écrits d'un seul tenant, avec pourtant des répétitions internes qui évoquent subtilement la composition strophique des poèmes, telle la répétition du vers d'ouverture dans le premier chant, renforcée par la référence à la ligne mélodique d'ouverture ou la répétition variante du motif d'ouverture avant la fin du deuxième chant.

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Le Professeur Jehoash Hirshberg enseigne dans le Département de Musicologie de l'Université hébraïque de Jérusalem. Il est l'auteur de "La vie et l'oeuvre de Ben-Haim" (Israeli Music Publications Ltd), et de Music in the Jewish Community of Palestine 1880-1948, a social History, (Musique dans la communauté juive de Palestine, 1880 -1948: une histoire sociale), (Oxford University press, 1995).




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