Varda sings CD Ben Haim

Critique de: HAARETZ.
Avec et sans les paroles
de : Hagay Hitron
« Paul Ben-Haim – Mélodies »



21 brefs morceaux sont compris dans ce disque des œuvres de Paul Ben-Haim récemment produit et distribué par la société française Arion. L’interprète : la chanteuse israélienne Varda Kotler. 20 des morceaux sont des chants (lieder) pour voix et piano, certaines méritant même le titre de pierre angulaire du chant artistique hébraïque. À leur côté, le disque propose un morceau pour violoncelle solo. Le disque est accompagné par une brochure qui en Israël est traduite en hébreu, rédigée par le Prof. Yeohash Hirschberg, qui écrivit il y a 20 ans un livre sur le compositeur.

Le disque fournit à ses auditeurs des heures de plaisir, grâce à la merveilleuse musique et à la voix spécialement douce de la soprane, Kotler. Certains des chants furent composés alors que Ben-Haim (né en 1897) vivait encore à Munich sous le nom de Frankenburger – des chants qui se rapportent au patrimoine du lied allemand du 19ème siècle. D’autres, écrits à Tel-Aviv (sur des paroles tirées du Cantique des Cantiques, de Yehuda Halevi, de Bialik, de Rachel et de Myriam Yelen-Shtekelis), reflètent à la fois sa terre natale et son intégration dans son nouveau pays. Trois des chants sont des vocalises, des chants composés de seules voyelles, sans paroles ni consonnes. Hirschberg dit de ces trois sublimes vocalises qu’elles représentent « l’expérience la plus radicale de Ben-Haim pour atteindre l’univers oriental ».

La plupart des chants enregistrés par Kotler n’ont jamais été distribués commercialement (même si certains ont été enregistrés pour la radio par plusieurs chanteuses, ont été diffusés et chantés à l’occasion de concerts publics). Ce nouveau disque a donc une importance historique. Le chant « Stérile» sur des paroles de Rachel est caractérisé par Hirschberg comme étant l’un des plus impressionnants de la littérature du lied en général. « Chaque fois que je l’écoute mais yeux sont voilés de larmes », dit-il. Concernant les huit chants allemands du disque (sur des paroles de Hofmanstal, de Morgenstern et de Bethge), c’est la première fois qu’ils sont enregistrés.

La plage, la composition et les élèves

« L’assiduité et la routine de Ben-Haim rappellent celles d’Haydn », dit Hirschberg, qui a rencontré le compositeur à de nombreuses reprises au cours des dernières années de sa vie. « Il avait une routine fixe : il se levait à six heures du matin, hiver comme été, sortait de son appartement proche de la rue Pinsker pour faire sa promenade sur la plage, se baignait, mangeait un épi de maïs cuit et rentrait chez lui pour composer. L’après-midi il enseignait ». « Il n’était pas très causeur », dit Hirschberg à son propos. « Ce qu’il avait à dire, il le disait en musique ».

Paul Frankenburger a grandi dans une famille bourgeoise très respectée. Jeune enfant, son ouïe fut examinée , et étant incapable de répéter le son joué au piano, le verdict fut « incapable d’entendre ». Mais son éducation musicale continua, et, âgé de dix ans, le chef d’orchestre Felix Mutal découvrit chez l’enfant une oreille absolue. Il apprit le violon, joua de la viole mais choisit de poursuivre son éducation musicale au piano. Par la suite, en Allemagne, il accompagna des chanteurs en tant que chef d’orchestre à l’Opéra d’Augsbourg. Pendant la Grande Guerre il fut soldat sur le front français, fut presque tué par les gaz, et à l’armistice revint à pied à Munich, en parcourant des centaines de kilomètres.

En mars 1933, deux jours après l’incendie du Reichstag, son concerto fut interprété à Kemnitz en Saxe et la presse nazie l’attaqua : « Il ne convient pas de jouer de la musique écrite par un compositeur juif à ce moment de gloire pour le peuple allemand ». En octobre de la même année, Frankenburger émigra pour la Palestine.

Ses trois premières années en Palestine ne furent pas brillantes. Il souffrit de son statut diminué en tant que musicien et de graves soucis financiers. Ce n’est qu’en 1937 qu’il recommença à composer. Il étudia l’hébreu et le maîtrisa avec perfection. Sa femme, qui était danseuse en Autriche, devint en Israël ‘l’épouse du compositeur’, et, jusqu’à sa mort, ne parla qu’allemand.

Ben-Haim vivait à Tel-Aviv mais enseignait à l’Académie de Jérusalem. Selon Hirschberg, il y a eu une fracture absolue entre lui et deux autres musiciens renommés de Tel-Aviv – Alexandre Uria Boskovitch et Eden Partouche. Le pays était alors petit, explique Hirschberg, et dans cet espace restreint agissaient des personnalités dont l’égo personnel et artistique était plutôt grand.

En plus de son œuvre – il a par exemple fait connaissance des trésors du folklore oriental à l’aide de la chanteuse Bracha Tsfira pour laquelle il a fait des arrangements musicaux – Ben-Haim a été le professeur de nombreux élèves devenus d’excellents compositeurs, parmi lesquels nous comptons Zvi Avni, Ben-Zion Orgad, Noam Sharif, Ami Maayani et Shulamit Ran. Max Brod et Naomi Shemer ont eux aussi été de ses élèves. Comme leur professeur, aucun de ses élèves ne s’est conformé aux impératifs du courant avant-gardiste.

Contrairement à d’autres compositeurs israéliens originaires d’Allemagne, Ben-Haim n’a pas boycotté son pays d’origine après la défaite du nazisme, et la République fédérale l’a gâté en invitations et en titres honorifiques. En 1972, âgé de 75 ans, à l’occasion d’une visite à Munich il a été renversé par une voiture dans une rue de son quartier natal. Depuis il est resté handicapé mais a continué à travailler. Il est mort en 1984.

Le disque comprend un lieder que Ben-Haim a composé à l’âge de 18 ans. Il est tout à fait allemand de caractère. Le chant « Avant le jour », sur des paroles de Von Hoffmansthal, capte immédiatement l’attention de son auditeur. De même pour la « Nuit de plein été » de Christian Morgenstern. Les lieders israéliens reflètent en général la volonté de l’auteur de faire la synthèse entre l’Europe et l’Orient. Le disque comprend entre autres les chants « Narcisse de Saron », « Sérénité » (arrangement fait sur un chant ladino), le merveilleux « Stérile » mentionné plus tôt, « Prends-moi sous tes ailes» et « Toi, Myrte de L’Eden » (Yehuda Halevi). Des moments de divertissement et de relaxation sont accordés par la « Berceuse pour la poupée », « La Pluie », « La montre fatiguée », « Vent-vent », chansons enfantines écrites par Yelen-Shtekelis.




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Varda Kotler