Varda sings CD Ben Haim

Critique de : CD Compact Disc Spain
Extrait d’une critique de Victor Blades



PAUL BEN-HAIM.
Paul Ben-Haim est le nom que Paul Frankenburger (1887-1984) adopta en s’installant en Palestine britannique en 1933, après avoir fuit le régime nazi venant de monter au pouvoir en Allemagne. De cette manière, non seulement il eut la vie sauve mais il put poursuivre son œuvre musicale jusqu’en 1977. Curieusement, le seul accident qui faillit lui causer la mort eut lieu à Munich en 1972, la ville où il était né et dont la mairie l’avait invité à l’occasion de son 75ème anniversaire. Après avoir reçu une décoration honorifique, Ben-Haim fut renversé par une voiture et resta handicapé, se mouvant à l’aide d’un fauteuil roulant jusqu’à son dernier jour.

Le présent récital présente une collection de lieds allemands et hébraïques, composé tout au long de la période allant de 1915 à 1977. Les œuvres initiales ont pour origines des compositions de Hugo Von Hofmansthal (1915) et de Christian Morgenstern (1920). Le caractère romantique de ces œuvres permit d’en purifier le style, ce qui résulte de la lecture par le compositeur de la littérature japonaise traduite par Hans Bethge. Les trois lieds de Bethge comportent des influences de Mahler et de son Lied à la Terre (Lied von der Erde) tout comme de celles de Strauss, Schönberg et Webern. L’accompagnement vocal est enrichi par un piano, un violoncelle et un violon. Le contraste entre la voix aiguë de la soprane et les tons bas du violoncelle reflète l’idée des influences mentionnées ci-dessus, tout en maintenant un cadre tonal. La montée du nazisme qui lui a pris son statut de Directeur de l’Opéra d’Augsbourg et d’assistant en chef de Bruno Walter à Munich pour le faire atterrir à Tel-Aviv, a entraîné non seulement le changement de son nom mais surtout de lui faire tourner le dos à son œuvre européenne. Sa nouvelle vie en Palestine, alors sous Mandat britannique, lui fit abandonner inconsciemment son penchant pour la musique d’Europe centrale en faveur de l’étude de la tradition musicale juive, et d’arriver à créer un nouveau champ musical : celui du lied juif. Il étudia la langue et la poésie moderne en hébreu, une langue qu’il était forcé d’apprendre, car pour les Juifs d’Europe centrale, le seul contact avec cette langue se résumait à la récitation mécanique de prières à la synagogue.

Ben-Haim n’hésita pas à composer des mélodies sur le Cantique des Cantiques. Le romanticisme antérieur des lieds allemands laissa la place à une écriture qui rappelle la matrice du changement irrégulier dans l’œuvre de Debussy. Le rapport entre Ben-Haim et la chanteuse d’origine yéménite, Bracha Tsfira, l’amena à composer sur des thèmes d’une tradition juive autre que celle de l’Europe : la tradition espagnole, fondée sur le ladino, un dialecte espagnol qui était parlé en 1492, date à laquelle les Juifs furent chassés d’Espagne par le roi catholique. L’influence espagnole est nette dans les chapitres vocaux de ‘Sérénité’, une œuvre composée en 1939, tout comme d’autres morceaux fondés sur les paroles de poètes juifs médiévaux tels que Halevi, qui ressemblent en cela à Ravel, à Debussy et même à Mahler. Le récital propose une expérience musicale avec violoncelle, un morceau composé en 1952 qui fut joué dans les salles de concert à partir de 1970.

La voix de la soprane Varda Kotler est un instrument de grand luxe, car elle est dotée d’un ton sensuel qui est à la fois souple, délicat et tendre, et qui permet de présenter les différentes échelles musicales du lied en comparant les types européens de la période allemande à ceux d’influence orientale de la période israélienne du compositeur. De grand talent musical, Kotler présente un pont élogieux entre ces deux cultures qui sont liées entre elles par l’intégration et l’étude fertiles de Ben-Haim. Jeff Cohen au piano, Philip Barry au violoncelle et Alexis Galpérine au violon accompagnent la soprane avec grande précision. Le ton chaleureux des musiciens contribue au plaisir que nous donne ce récital, qui s’éloigne du répertoire commun pour élargir l’horizon musical des auditeurs.




>>> Varda Kotler sings CD Paul Ben-Haim






Varda Kotler