Varda sings CD Ben Haim

Critique de : Scherzo (Espagne)
par Santiago Martin Bermudez



Extrait de la critique de Scherzo (Espagne), par Santiago Martin Bermudez Festival israélien Ben-Haim : chants et autres œuvres ; soprane : Varda Kotler ; piano : Jeff Cohen ; violoncelle : Philip Barry.

L’Israélien qui nous fait don de ce festival est Paul Ben-Haim, un compositeur né à Munich en 1897. A l’origine il s’appelait Paul Frankenburger. Ce nom de famille appartient à des Juifs allemands, des gens qui se considéraient comme des Allemands, par la culture et ce qui s’y rapporte. Cette famille, comme de nombreuses autres familles juives, a fait preuve de patriotisme allemand pendant la Grande Guerre, et y a même fait le sacrifice d’un fils, le frère aîné de Paul. Nous savons aujourd’hui que ça ne les a aidé en rien, même lorsqu’ils manifestaient un certain degré de chauvinisme. Les Juifs ne sont plus là, comme ce fut le cas pour Schönberg.

Ben-Haim s’est vite consacré à l’art du lied (il admirait Strauss et Debussy) comme nous le voyons dans certaines de ses premières œuvres : le Lieder de Hofmannsthal (1915) le Lied de Christian Morgenstern (1920) et le Printemps japonais de Hans Bethge (1922). La montée du nazisme le poussa à quitter le pays. Il ne se sauva pas vers la France, qui plus tard devint un piège mortel pour les Juifs, ni vers les États-Unis, la terre promise de l’époque. Il choisit plutôt d’immigrer vers la Palestine britannique, vers la ville nouvelle et séculière de Tel-Aviv, au bord de la Méditerranée. Là-bas, il changea de nom et pris la décision de rester.

La fracture avec tout ce qui était allemand fut alors brutale et pénible, mais tout à fait inévitable. L’acceptation des valeurs judaïques fut conçue par lui comme une chose réjouissante, et le niveau culturel de l’essence juive et israélienne fut très significative. Ben-Haim transforme le lied allemand en un lied absolument juif. Après tout , il ne pouvait pas éviter d’ajouter un air aux paroles de Haim Nachman Bialik ou à celles de la poétesse Rachel , aux versets du Cantique des Cantiques ou aux strophes du poète juif médiéval, Yehuda Halevi. Cependant, tout cela émerge d’un contexte riche et fertile, provenant de l’œuvre de ses compatriotes, comme par exemple celle de la chanteuse Bracha Tsfira, une artiste d’origine yéménite, dont le répertoire comprend de nombreuses œuvres ladino de la tradition juive espagnole (voir les Canciones et les Romanzas sans paroles). Les chants du récital s’éloignent des caractéristiques allemandes, en présentant une jolie musique poétique, qui touche au cœur, même sans que nous en soyons conscients. Au milieu du récital, nous prendrons plaisir au Mouvement des Trois Violoncelles (1977), un morceau que Ben-Haim dédie au violoncelliste israélien Uzi Wizel, qui joua pour la première fois son concerto pour violoncelle en 1963. Sa musique pour violoncelle ne contient aucune poésie, ou du moins très peu et on ne peut pas nier son rapport avec Bach. Ici, la danse est inspirée par Philip Barry (notez le lento final qui nous pénètre en profondeur). En donnant au reste du répertoire vocal la riche et excellente voix de la soprane israélienne, Varda Kotler.

La chanteuse, outre son expertise des récitals vocaux, a déjà incarné sur scène les rôles de Cherubino et de Rosina, parmi d’autres rôles d’opéra. Varda a une bonne maîtrise du lied, qu’il soit hébraïque ou allemand, mais sa polyvalence et sa capacité d’actrice enrichissent le plaisir que nous prenons à écouter ces pages magiques présentant des chants sans paroles, les Canciones. Elle est accompagnée au piano par le compositeur américain Jeff Cohen, un expert et virtuose, et tous deux maîtrisent ce récital, le transformant en une rare occasion de faire connaître le répertoire de ce compositeur, qui vécut de 1897 à 1984. Barry joue aussi une œuvre japonaise de Bethge, avec Varda et Cohen. Pour conclure : c’est beau, joyeux et festif.




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Varda Kotler